Après deux semaines passées à Raroia, dont une plutôt morose sous le ciel gris, on suit nos nouveaux amis norvégiens – le catamaran Wapiti – à Makemo. Barbecues sur la plage, kitesurf, Heiva festival au village, on tente de profiter au maximum de ce que nous peut nous offrir ce coin de Polynésie française, même si le mauvais temps nous rattrapera encore quelques jours.
75 milles pour atteindre la passe nord de Makemo, c’est un peu juste pour espérer arriver à l’étal de marée de 18h00 là-bas tout en quittant Raroia à l’étal de midi. On ne veut pas se presser, autant prévoir large et donc une navigation de nuit. On réduit les voiles, en longeant d’abord Raroia puis Taenga au sud-ouest, pour arriver en fin de nuit proche de Makemo.
Encore une sortie en mer peu plaisante… On a beau être au portant, Manwë se fait chahuter dans les vagues peu organisées. Elles contournent les atolls, qui nous protègent de temps à autre, mais pas suffisamment pour laisser ma tête et mon estomac en paix. Je dois laisser Damien surveiller une bonne partie de la nuit, je déteste quand je peine à assurer mes propres quarts !
Note : On peut vouloir revenir aux Marquises à la fin de l’année, pour se protéger lors la saison cyclonique (de novembre à juin). Aucun risque de cyclone là-bas. Il y a aussi cette année, en décembre 2019, le mythique Festival des Arts des Marquises qui a lieu à Ua Pou, où de nombreuses délégations de toute la Polynésie jusqu’à Hawaii vont venir y assister. Même si on ne l’avait pas prévu, ces vagues désagréables de ces dernières navigations nous découragent encore plus pour penser remonter au vent un jour jusqu’aux Marquises !
Les lueurs de l’aube se pointent, nous voici à ralentir au maximum le bateau pour attendre le moment propice et entrer dans le lagon. Le jour se lève doucement tandis qu’Helene et Andreas sur Wapiti nous rejoignent devant la passe. Celle-ci est large et sans difficulté, avec un vent clément et le courant dans le bon sens, on entre rapidement et sans souci.
Ne manquez pas notre article « Navigation dans les atolls et les passes des Tuamotu » qui vous expliquera tout sur nos navigations dans les lagons et sur les entrées et sorties des passes que nous avons pratiquées !
Promenade dans les petits rues aux maisons colorées de Makemo
Makemo est le 3ème atoll des Tuamotu en taille et le plus important de la partie centrale/est de l’archipel. Comme nous n’avons pas eu l’occasion d’aller arpenter le petit village de Raroia, on en profite pour visiter celui-ci.
La vie est simple, comme aux Marquises. Les habitants vivent encore plus de la coprah (récolte de la chair de noix de coco), pas de plantations ni de chasse possible ici ! Hormis la coco et quelques rares bananiers et papayers, c’est la pêche qui ramène de quoi se nourrir, poissons du large ou du récif qui pourront servir notamment au plat traditionnel du « poisson cru au lait de coco ». Tout le reste quasiment est importé. On trouve quelques supérettes sur Makemo, avec l’essentiel, en fonction des arrivages de cargos déjà plus réguliers qu’aux Marquises. Mais pas de surprise, les tarifs sont toujours élevés !
Note : On arrive à trouver quelques fruits et légumes réfrigérés, apportés par cargos. Plus que ce qu’on pensait d’ailleurs. La viande elle-aussi, souvent locale, est présente et reste abordable.
Navigation à vue dans l’atoll et stop à la pointe est
Bon, le village est sympathique, mais il n’y a pas grand intérêt à y rester plus longtemps. On est guère protégé du vent dominant d’est/sud-est. Makemo est orienté est-ouest et long de 33 milles, le clapot se lève facilement sur toute la distance de l’atoll.
Et puis nous, c’est le kitesurf qu’on veut pratiquer avant tout !:) L’orientation du vent nous pousse d’abord à aller voir la pointe est de l’atoll, où se situe un vaste espace bleu turquoise de faible profondeur (4 m environ). C’est parti pour une navigation à l’œil sous le soleil ! Car oui, mieux vaut avoir les yeux grands ouverts quand on traverse le lagon, les disques de corail sont fréquents, juste affleurant à la surface de l’eau.
Nous utilisons de nouveau nos cartographies OpenCPN et Navionics mais également les photographies satellites superposées. Et c’est carrément indispensable à Makemo ! Contrairement à Raroia, où les disques et patates de corail étaient larges et très visibles, ici on en rencontre de toutes les tailles, vastes avec du bleu turquoise autour (facile) mais aussi des petites sournoises, à environ 1 m sous l’eau (beaucoup plus difficile à repérer). Ces dernières se distinguent à peine sur les photos satellites et il faut aussi avoir l’œil pour les repérer en vrai, légères tâches brunes sur le bleu foncé du lagon.
Plus nous approchons de la pointe à l’est, plus c’est un véritable slalom entre les coraux. Ça devient stressant, je n’arrive plus à évaluer la dangerosité des récifs. Dur de dire si ils sont à 1 ou 3 m sous l’eau, elle est tellement claire qu’on voit le fond jusqu’à 20 m !
C’est parti ensuite pour jouer aux explorateurs à terre. On se prend facilement pour Robinson Crusoé ! L’île n’est pas si vierge que ça, avec ses cabanes de bois pour la récolte de la coprah, mais aucun signe de vie aujourd’hui. Nous serons seuls pour profiter de noix de coco fraîches et d’un barbecue sur la plage à la nuit tombée.
Deux semaines à l’abri d’un motu, entre kitesurf et jeux de société
Nous repartons dès le lendemain car le vent a tourné. La courte navigation au moteur qui nous sépare des deux motu isolés sur la côte sud-est s’avère encore plus compliquée que la veille ! Les patates de corail sont très nombreuses et trop petites pour être bien distinguées sur nos images satellites. On repère bien à l’œil nu les tâches sombres sur l’eau turquoise mais le parcours ressemble à un véritable labyrinthe !
Tout se passe finalement sans encombre, avec de la patience et une bonne communication à bord. Nous voici ancrés maintenant sous l’un des deux motu, le plus au sud-est. Il deviendra notre QG de kitesurf pour les 15 jours à venir !
C’est vraiment le spot idéal, avec une plage qui longe la barrière et qui permet de gréer sans souci le matériel. Beaucoup plus agréable pour les pieds qu’à Raroia ! Ici, le mélange sable/corail est plus doux, on peut se passer de chaussures. L’îlot a tout plein d’atouts : noix de coco fraîches, cocotiers pour accrocher son hamac, abri en pierre pour stocker le matériel et même un puits d’eau douce (récupération d’eau de pluie) pour rincer l’équipement !
Notre première semaine sur place se déroule sous le soleil et dans un vent frais, entre 12 et 18 nœuds. Quand on ne kite pas, on se prélasse sur le motu, un peu notre seconde maison. On y passe d’ailleurs quelques soirées sous les étoiles, réchauffés par un feu de camp à faire griller des saucisses. Seuls les bernards l’hermitte, de toute taille et de toute forme, viennent nous tenir compagnie, aucun moustique ni nono ne semble heureusement résider sur l’île !
Bon, on fait quoi quand le mara’amu se pointe ?
Une seconde grosse session de mara’amu nous arrivera malheureusement dessus et nous bloquera encore dans notre mouillage. Comme à Raroia, impossible de penser à naviguer sur le lagon. Le mauvais temps durera une semaine, avec un vent établi à 30-35 et des rafales jusqu’à 48 nœuds ! Autant dire que ça secoue bien sur notre monocoque ! Manwë tire des bords au mouillage, trempé par la pluie qui ne cesse pas de la journée. C’est dur de trouver le sommeil, le bateau grince, tape sur le clapot et tire sur sa chaîne enroulé autour des coraux.
Une nuit, on entend un gros « bang », je cours dehors la respiration coupée, craignant le pire – la chaîne qui se serait cassée ! Mais non, on est toujours au même endroit et on ne comprend pas trop l’origine de ce bruit violent… C’est le lendemain qu’on remarquera que la main de fer s’est rompue. Le guindeau a du supporté la tension toute la nuit, le pauvre semble avoir tenu le coup, avant qu’on réinstalle une main de fer plus solide.
Note : Durant la saison hivernale, les dépressions plus fréquentes qui passent au sud de la Polynésie française peuvent entraîner ce fameux fort vent de sud-est, le mara’amu, sur les Tuamotu. Mais d’après les locaux, des périodes aussi longues et rapprochées sont rares, elles ont d’ailleurs engendrées des dommages et inondations dans certains villages.
On s’occupe comme on peut à bord de nos voiliers, tantôt chez les uns, tantôt chez les autres. Comme à Raroia, le temps des goûters et apéros réconfortants est revenu ! On est soulagé de ne pas être tout seul, mieux vaut affronter cette période morose à plusieurs:)
Au moins nous serons encore là pour assister au début du Heiva, un festival réputé qui a lieu tous les ans au mois de juillet dans plusieurs endroits de la Polynésie française, autour du 14 juillet. Celui de Papeete est connu et touristique mais nous aurons la chance de voir celui de Makemo, plus authentique, où les seuls étrangers de passage sont les voiliers.
Une nuit, le vent tombe d’un coup, les vagues et le clapot se calment aussitôt. Le lagon retrouve son aura paisible et ce silence quasi monacal me réveille ! Comme c’est étrange d’être à plat et de percevoir seulement le bruit de l’océan se brisant au loin sur la barrière de corail…
Retour au village après la tempête
Après une traversée du lagon sous une visibilité faible – la faute à un ciel encore grisâtre – mais suffisante, nous voici de retour au village.
Note : S’amarrer au quai du village est gratuit, s’il y a de la place. Ça peut être une bonne alternative en fonction de l’orientation du vent sur la zone. Le vent étant devenu faible sur cette nouvelle semaine, on a préféré jeter l’ancre, peu désireux d’être ennuyés par les jeunes en vacances qui s’amusent sur le ponton à toute heure.
On se retrouve nombreux au mouillage, à chercher le soleil timide qui revient progressivement. Tous les plaisanciers bloqués par le mauvais temps sur Makemo ou ailleurs ont enfin pu avancer. Norvégiens, Américains, Anglais et Français, c’est sympa de refaire plein de connaissances !
Les activités ne manquent pas, on s’organise notamment des sorties snorkeling dans la passe nord (et plongées en bouteille pour ceux qui ont leur matériel). Il suffit de se laisser dériver avec le courant, traînant son annexe avec un bout et d’ouvrir les yeux pour profiter du spectacle. Requins pointe noire, requins pointe blanche, énormes poissons perroquets, etc. Les gros mérous tachetés sont aussi en nombre impressionnant !
Note : Ces derniers, les mérous camouflage, se regroupent dans les passes des Tuamotu en ce moment car l’unique date à laquelle ils se reproduisent dans l’année se situe soit la nuit de la pleine lune de juin, soit sur celle de juillet. Or, nous sommes juste entre les deux !
Le Heiva avec ses danses et ses concours sportifs
Dans la semaine qui précède l’ouverture officielle du Heiva, on voit arriver chaque jour par bateau une délégation des atolls voisins. A chaque fois, les habitants de Makemo leur réserve un accueil en musique, au son des guitares et ukulélé, avec colliers de fleurs pour chacun. La compétition entre ces atolls sera rude durant le festival (danses, chants, défis sportifs en tout genre), tous membres de la commune de Makemo : Taenga, Katiu, Takume, Raroia et bien sûr Makemo lui-même.
Le premier soir du Heiva, c’est élection de Miss Makemo ! Le défilé des concurrentes est sérieusement organisé, avec toutes les étapes d’un concours de miss, de la parade en maillot de bain au discours, en passant par la prestation de danse. La soirée est longue (trop longue même), mais on avait envie de rester jusqu’à la fin pour savoir la gagnante !
Le moment phare, ce sont les danses traditionnelles. On avait pu voir l’équipe de Makemo s’entraîner dans le gymnase plusieurs jours de suite auparavant, alors on a hâte du résultat final ! Qui est à la hauteur de nos espérances, c’est très beau à regarder, avec garçons et filles en costumes traditionnels, au son d’une musique de percussions et ukulélé très prenante et émouvante.
Le soir, les cabanes joliment décorées de feuilles de palme tout autour du gymnase proposent des plats locaux ou des mets plus classiques (pizza, hamburgers). L’astuce est de commander une assiette pour deux, la quantité sera plus que suffisante ! Eh oui, c’est plutôt copieux en Polynésie française ! Du coup, ça divise aussi les tarifs;)
Nous ne resterons pas pour la suite du Heiva, préférant suivre nos amis de Wapiti. Ils sont un peu pressés par le temps car ils veulent arriver en Nouvelle-Zélande à la fin de l’année. On lève donc l’ancre avec eux le lendemain, pour 24h de navigation jusqu’à Fakarava.
On ne fera donc pas de stop dans l’atoll de Tahanea, comme initialement prévu. Autant tenter de suivre du monde et de partager tous ces moments aux Tuamotu à plusieurs, n’est-ce-pas ? Alors, en route pour la passe sud de l’atoll de Fakarava et toutes ses belles promesses de plongée, snorkeling et kitesurf !
Fantastiques photos de Makemo, « mon » atoll des Tuamotu où j’étais instit’vat (volontaire à l’Aide Technique, le « service militaire mieux qu’en caserne ») de 1974 à 1976, c’était une autre époque bien sûr, et j’aurai le plaisir j’espère de vous en parler un jour.
J’avais un fare entre le phare et le cimetière, à côté de l’école primaire qui accueillait des gosses de Raroia, Faaite, Kauehi, Fangatau, Napuka, Tepoto, pensionnaires de septembre à juin…, et je fis le ramassage scolaire avec l’Astrolabe et La Lorientaise (pas d’avions alors, et montée du récif avec la baleinière sur certains atolls).
Merci à vous deux pour votre page où je suis tombé par hasard, ce soir je vais rêver, de Provence… Raymond « Heremoana »
Bonjour, votre expérience là-bas est en effet très intéressante, ça doit avoir bien changé depuis ! Quoi que les Tuamotu ont cet avantage de rester suffisamment isolés pour être encore hors de l’évolution trop rapide de certaines destinations 🙂
Encore un beau récit pour rêver, bonne continuation, michel
Merci beaucoup !
hello!
Je suis en France depuis Aout… je retourne aux Marquises Fin Octobre. Je resterais à Ua Paou pour le festival puis repartirais pour les Tuamotu début 2020. Je vais suivre votre trace… on se reverra certainement à Tahiti en été 2020…
Vos photos sont magnifiques.
Bon voyage
Claude sur Charlotte.
Salut Claude, ça fait plaisir d’avoir de tes nouvelles ! On se reverra alors l’année prochaine avec plaisir 🙂 Profite bien de ton séjour en France, puis du festival aux Marquises et des Tuamotu ! A bientôt !!!
Anaïs & Damien