Navigation dans les atolls et les passes des Tuamotu

La passe de Tiputa et ses vagues au nord de l'atoll de Rangiroa.

Les Tuamotu, c’est un ensemble d’atolls de Polynésie Française, situé entre les Marquises au nord-est et les îles de la Société à l’ouest. Ces atolls sont constitué d’un lagon encerclé par une barrière de corail à fleure d’eau, parsemé de petits îlots, les motu. Cette barrière peut dans de rare cas être fermé, rendant l’entrée dans le lagon impossible aux voiliers, ou être percé en un ou plusieurs endroits, ce qui forme les passes.

 

Quand peut-on entrer dans un atoll des Tuamotu ?

 

Les passes des atolls des Tuamotu peuvent être larges et faciles, ou étroites et sinueuses, tout dépend vraiment du lagon. Avant de songer à entrer (ou sortir) par une passe, le plus important est de bien appréhender les conditions météorologiques. Vent et houle peuvent changer drastiquement les vagues dans la passe, mais aussi le courant.

 

Quelles sont les risques ?

 

La création de vagues stationnaires plus ou moins grosses sur les pourtours de la passe, voire même au milieu. Des courants trop puissants pour rentrer sans danger.

Sortie de la passe de Raroia, pour naviguer vers Makemo.

 

Le meilleur moment pour envisager une entrée (ou une sortie) du lagon

 

Pour éviter ces fameux risques et se retrouver à devoir patienter devant la passe, à faire des ronds dans l’eau côté océan par exemple, voici théoriquement les meilleures conditions pour traverser une passe des Tuamotu. On vous explique après les subtilités des différentes passes que nous avons nous même appréhendées dans les atolls de Raroia, Makemo, Fakarava, Toau, Apataki et Rangiroa.

Finalement le moment idéal pour entrer dans un lagon, c’est quand il n’y a pas de vague ni de courant (ou un léger courant dans le bon sens), c’est-à-dire à l’étale de marée. Qui n’est pas forcément au même moment que la marée basse ou haute d’ailleurs, car du courant sortant résiduel peut persister. Si c’est le cas, il peut être nécessaire d’attendre du courant rentrant pour le contrer.

 

Voici 4 situations au contraire où il vaut mieux repousser son passage

 

  • Si on arrive au mauvais moment de la marée, on peut se retrouver facilement avec 6-8 nœuds de courant contraire. Il est conseillé d’attendre à l’extérieur la prochaine étale de marée, quitte à prévenir le village par VHF pour plus de sécurité (il y en a souvent un sur les atolls praticables en voilier) .

  • Si on a un vent fort (à partir de 20 nœuds) dans le sens contraire au courant de la passe. Les deux combinés peuvent lever des grosses vagues stationnaires, avec en plus un courant qu’on ne peut guère visualiser sous cette surface mouvementée. Mieux vaut avoir anticiper le plus possible les gribs météo en amont.

  • Si on a un vent très fort (à partir de 25 nœuds), depuis plusieurs jours, qui fait monter les vagues au-dessus de la barrière de corail de l’atoll et qui remplit le lagon en excès. On aura en conséquenceun courant sortant permanent dans la passe, s’ajoutant aux courants de marée. Là, ça commence à devenir le gros bazar pour entrer ou sortir !

  • Enfin, arriver de nuit n’est pas envisageable… A part peut-être dans la passe de Fakarava nord, Garuae, qui est très vaste et bien balisée. Car sinon, en dehors de l’entrée déjà difficile dans l’atoll par la passe dans l’obscurité, il faudrait naviguer dans le lagon à l’aveugle, très risqué parmi les patates de corail et les bouées de ferme perlière.

Il y a sans doute d’autres situations à éviter. Tout dépend aussi de l’orientation de la passe par rapport au vent. Celles au sud ou à l’est des atolls sont généralement plus exposées. En outre, ce n’est pas pareil si l’atoll présente une seule passe dans son lagon ou plusieurs. Plus il y en aura, moins il y aura de courant car il sera divisé. Et si la passe en question à franchir est large et profonde, moins il y aura de courant également.

En résumé, il faut bien étudier la disposition de chaque atoll visé, la cartographie et les conditions météorologiques pour entrer ou sortir sans encombre.

 

La navigation sur les lagons

 

Avant d’arriver dans notre premier atoll, Raroia, nous n’étions pas bien rassurés par la traversée du lagon afin de rejoindre un lieu précis, complètement à l’opposé. En étudiant les images satellite de l’atoll, on constate alors la constellation de disques de corail disséminées ça et là dans le lagon.

Disque de corail à l'intérieur du lagon de Raroia.
On pensait que ce serait plus sournois que ça, mais leur couleur bleue turquoise contraste bien avec le bleu foncé du lagon.

Ils font quelques mètres de diamètre, plus ou moins visibles à la surface. Les plus larges sont souvent les moins profonds, voire même affleurants. On repère bien ces derniers de loin grâce aux nuances de bleu du lagon, de plus en plus turquoise plus la profondeur diminue. Dans tous les cas, mieux vaut éviter de naviguer trop près ! D’autres patchs de corail peuvent être plus compliqués à voir, et c’est tout autant difficile d’évaluer si la quille du bateau passerait au-dessus ou non…

 

Quoi utiliser pour naviguer sereinement ?

 

La cartographie des lagons est très pauvre, que ce soit sur Navionics ou OpenCPN. Certains atolls comme Fakarava ont des zones bien cartographiées près des passes notamment, et ont même des chenaux balisés faciles à suivre à l’intérieur même du lagon. Mais ça reste rare.

Ce qui fonctionne par contre très bien, c’est d’utiliser les images satellite à différentes échelles de zoom, superposées sur OpenCPN par exemple.

 

 

Comment obtenir ces images satellites ?

 

On peut utiliser le logiciel SAS Planet, qui permet de charger hors ligne les images venant de Google Earth ou autre, et pouvoir y associer son GPS. Ou sinon sur OpenCPN, ça doit être possible d’utiliser directement un plugin, nommé GE2KAP, pour créer ces images satellites géolocalisés. Mais je ne vais pas pouvoir donner plus de conseils à ce sujet, faute de connexion internet suffisante aux Marquises, je n’ai jamais réussi à faire fonctionner tout ça.

Alors la méthode la plus simple reste la transmission d’informations et de dossiers utiles entre bateaux au mouillage ! On trouve toujours quelqu’un qui a les cartes des zones que l’on veut explorer. Merci à Maple dans notre cas !

 

Et ça suffit cette cartographie satellite ?

 

Les images satellite montrent bien la majorité des patates de corail, surtout les moins profondes. Les grosses tâches sont clairement repérables d’avance à l’écran, il suffit ensuite de prévoir sa route en slalomant. En général, on réalise en arrivant sur le premier atoll que ces disques restent bien espacés, pas de quoi stresser non plus.

Cependant, tout dépend du lagon, certains ont peu de patates et bien visibles, comme Raroia, d’autres en ont plus et à surveiller, comme Makemo… Mieux vaut dans tous les cas avoir une personne qui surveille l’horizon, à l’avant du bateau par exemple. Un œil averti en vaut deux;)

On vous conseille aussi de traverser de jour, et sous le soleil, c’est encore mieux. Les nuances de bleu et donc de profondeur seront plus précises ! On l’a fait une fois par temps couvert à Makemo, moi suivant scrupuleusement la cartographie satellite et Anaïs à l’avant du bateau, nous n’avons pas eu de problème mais pour le coup, la surveillance était beaucoup plus intensive…

 

Navigation à l'oeil et pas beau temps sur le lagon de Makemo.

Helene dans le mât de Wapiti pour surveiller les coraux à Makemo.
Notre amie Helene de Wapiti était carrément montée dans le mât de leur catamaran à Makemo !

 

Quelles sont les conditions de vent aux Tuamotu ?

 

Les conditions de vent pendant la période non cyclonique (on y était entre juin et octobre) :

Les alizées d’est sont généralement établis. De temps en temps coupés par un vent très calme qui tourne vers le nord puis l’ouest, pour enfin revenir vers le sud-est. Des épisodes de mara’amu, vent du sud-est assez forts accompagnés de pluie, peuvent durer de quelques jours à une semaine. Lors d’un de ses épisodes de mara’amu, nous avons eu des vent établis à 30 nœuds pendant 6 jours avec des rafales jusqu’à 45 nœuds.

 

se situent les mouillages dans un atoll ?

 

Dans un atoll, on peut avoir l’occasion de mouiller :

  • Près d’une passe, pour les amateurs de plongée sous-marine par exemple ;
  • Près du village, pour le côté pratique de l’avitaillement et la rencontre avec les locaux. Ils sont malheureusement souvent installés sur un ou des motu sous le vent de l’atoll. Donc exposé au clapot du lagon et aux alizés, le mouillage est rarement protégé…
  • Sous le motu le plus au vent de l’atoll, pour être le mieux protéger des vagues par la barrière de corail et plus ou moins protégé du vent par le motu en question.

Mais tout dépend encore une fois de l’atoll, de la présence ou non d’un village et de motu bien placés.

Dans les lagons, des vagues peuvent se lever rapidement avec le vent (surtout si la surface d’eau est vaste), puis se calment aussitôt dès qu’il tombe ou tourne. Donc on va souvent privilégier la côte est lors le régime des alizés est installé.

Près des passes, il y a parfois des bouées mises à disposition pour les bateaux, bien pratique pour ceux qui veulent aller y plonger. A Fakarava sud par exemple, les trois corps-morts restants sont gratuits.

Devant la majorité des villages, on trouve un quai de débarquement, pour les cargos de ravitaillement. Les voiliers sont souvent autorisés à s’y amarrer gratuitement, tant qu’ils ne gênent. Cependant, ces quais sont rarement protégés et peuvent vite s’avérer inconfortables.

 

Les caractéristiques des mouillages aux Tuamotu

 

Souvent, on met son ancre souvent dans 10 à 15m de fond, sur du sable plus ou moins encombrés par des patates de corail. Le problème survient quand la chaîne s’enroule autour de ces obstacles… En plus d’abîmer les coraux, ça fait beaucoup de bruit en frottant.

La technique locale consiste à faire flotter sa chaîne à l’aide de bouées après avoir posé une dizaine de m au sol, pour que le reste passe au-dessus des patates. Certains utilisent leurs parebattages mais après en avoir perdu un lors d’une session de mara’amu, on a rapidement tenter de trouver une autre solution.

On utilise désormais une bouée de ferme perlière ! Elles se retrouvent en effet sur des motu après avoir été arrachées de leur ferme, on en trouve vraiment partout, hélas. On peut en attacher une ou plusieurs d’affilée le long de la chaîne en la déployant.

 

Remarques sur les atolls que nous avons visité lors de notre périple dans l’archipel

 

Raroia

Vue satellite de l'atoll de Raroia aux Tuamotu.

  • Passe : 1 seule passe à l’ouest, orientée vers l’est. Pas trop compliquée mais il vaut mieux attendre l’étale de marée ou un léger courant sortant lorsque les alizés sont établis. Le mara’amu peut aussi générer un courant sortant assez fort (en sur-remplissant le lagon), à ajouter au courant de marée.
  • Navigation : La navigation est aisée pour traverser vers l’est. Les patates sont très visibles sur l’eau et sur les images satellites. Il n’y a pas de ferme perlière sur ce trajet donc pas de bouées.
  • Mouillage : Assez bien protégé sous les motu vers 16°04.262’ S / 142°21.916’ W. On y a subi un fort mara’amu pendant une semaine, le clapot restait léger et le vent cassé par les cocotiers.

 

Makemo

 

Traces de navigation par vue satellite à Makemo.

  • Passe : Il y a 2 passes, la passe Arikitamiro au nord près du village (la seule que nous avons prise) et la passe Tapuhiria à l’ouest. Aucun problème pour obliquer à droite dans la première quand on entre depuis l’extérieur. O,n peut passer entre la côte et le haut-fond au centre de la passe, signalé par une perche. Il y a 6 m de fond au minimum et ça permet d’éviter de faire le grand détour. Le mara’amu peut générer un courant sortant assez fort à ajouter au courant de marée.
  • Navigation : Cet atoll est grand et rempli de patates de corail pas toujours très visibles sur les images satellites. Donc un temps dégagé et une vigilance sont recommandés pour le traverser vers l’est.
  • Mouillage : Devant le village, le mouillage n’est pas très bien abrité, si les alizés sont soutenus, encore moins avec du mara’amu. Plusieurs bateaux peuvent se mettre au quai dans 2 ou 3 m d’eau. Des bateaux ont supporté un très gros coup de mara’amu amarrés à quai.Nous avons aussi mouillés à la pointe est, dans 3 m d’eau vers 16° 39.026’s / 143° 24.142’W. La zone est remplie de patates de corail à 2 m de fond environ, mais on peut trouver des endroits plus sûr. Il était également assez technique de rentrer et de sortir de l’endroit. L’eau y est si transparent qu’il est difficile d’estimer la profondeur des obstacles.Enfin, nous avons également mouillés derrière le motu Napahere vers 16° 42.114’s / 143° 27.612’W, dans 10 m de sable. C’est un des meilleurs mouillages qu’on a pu faire aux Tuamotu, un vrai coup de cœur ! Pour le kite notamment:)

 

Fakarava

Vue satellite de l'atoll de Fakarava avec nos traces de navigation.

  • Passe : Il y a 2 passes. Au nord, la passe Garuae est très large et ne pose aucun problème. Au sud, la passe Tumakohua, plus étroite, est balisée et sans souci si on suit le chenal. Elle semble assez calme même par mara’amu, le courant y reste modéré. On ne peut pas utiliser le raccourci sur la droite pour rentrer, il est trop peu profond et avec beaucoup de courant.
  • Navigation : La navigation dans l’atoll est facile, balisée et cartographiée. Il y a assez peu de patates et les rares sont bien visibles. Attention, il y a par contre une patate immergée et peu profonde, dans le chenal, juste au sud de Pakokota Yatch Services position GPS.
  • Mouillage : A droite en entrant par la passe sud, il y a quelques bouées gratuites. Sinon, on jette son ancre dans 8 à 15m dans un fond très encombré de corail. Ce mouillage est confortable uniquement par vent de sud et pas trop fort. Mais ne le manquez pas, le snorkeling et/ou la plongée dans la passe est magnifique !Au motu Hirifa dans le coin sud-est, c’est très bien abrité même par mara’amu. Fond de sable avec peu de patates. Idéal pour le kite ! Au milieu à l’est, devant le Pakokota Yatch Services, des bouées gratuites sont disponibles mais souvent prises. Sinon, on mouille dans plus de 16m d’eau…Au village de Rotoava, certaines bouées sont gratuites, d’autres privatisées. On peut mouiller entre 7 et 15m, sur un sol un peu encombré.Des bouées gratuites sont disponibles enfin devant l’aéroport (très pratique) et près la passe nord côté océan pour plonger.

 

Toau

Vue satellite de nos routes autour et dans l'atoll de Toau.

  • Passe : La passe Otugi à l’est est la seule permettant d’entrer dans le lagon (celle juste à côté est trop peu profonde). Pas très compliquée mais il est recommandé d’y entrer à l’étale. L’Anse Amyot au nord est une fausse passe, elle ne débouche pas dans l’atoll.
  • Navigation : Nous avons juste navigué sur une petite distance vers le coin sud-est. Il n’y a aucun problème dans ce coin là.
  • Mouillage : Nous avons mouillé derrière le motu Otohorau au sud-est de l’atoll vers 15°57.900’ S / 145°52.300’ W, dans 8 m d’eau sur du sable.A l’Anse Amyot, il y a des bouées payantes (appartenant au restaurant, on pourrait les avoir gratuites si on y manger un repas apparemment). Mais on peut jeter son ancre si on veut, sur du sable, dans 7 à 16 m d’eau. Le bateau tourne un peu dans tout les sens à cause du courant entrant ou sortant dans cette baie fermée. Le mouillage vaut néanmoins le coup, très beau snorkeling !

 

Apataki

 

Vue satellite de l'atoll d'Apataki aux Tuamotu.

  • Passe : Il y a 2 passes, Pakaka au sud-ouest (celle que nous avons prise aller et retour) et Aimonu au nord-ouest. La passe du sud-ouest longe le village, elle est un peu étroite sur la fin mais très agréable. Elle ne pose pas de problème particulier tant qu’on ne rentre pas par vent d’est. Le courant sortant peut aussi y être assez fort avec le mara’amu.
  • Navigation : Nous avons navigué jusqu’au motu Rua Vahine au sud-est. Il n’y a pas de patates de corail mais quelques lignes de bouées de ferme perlière. Mieux vaut garder un œil car elles sont parfois reliées toutes ensemble.
  • Mouillage : Nous avons mouillé sous le motu Rua Vahine, vers 136.500’ S / 146°20.513’ W dans 6 m sur du sable. Nous y avons passé un mara’amu dans de bonnes conditions. Mais si le vent prend trop d’est, le clapot se lève alors sur la distance du lagon.

 

Rangiroa

  • Passe : Il y a 2 passes, toutes deux au nord-ouest, Tiputa et Avatoru. Nous n’avons testé que Tiputa. Dès que le courant est sortant, avec alizés, des vagues stationnaires plus ou moins grosses se créent. Même par vent faible, on retrouve ces vagues, mieux vaut attendre l’étale ou le courant rentrant.
  • Navigation : Nous avons navigué du village au Lagon Bleu, puis jusqu’à l’Île aux Récifs pour enfin revenir à Tiputa en ligne droite. Nous n’avons croisé que très peu de disques de corail, quelques unes vers le sud-ouest.
  • Mouillage : Le mouillage devant le Kia Ora, juste à l’ouest de la passe de Tiputa, est vaste, dans 5 à 15m de fond avec quelques patates de corail. Mais il est peu protégé des vagues si le vent est trop sud, donc par mara’amu.

    Le mouillage près du Lagon Bleu n’est praticable que lorsqu’il n’y a pas de vent ou très faible… Autrement un fort clapot se lève très vite sur les 40 milles de longueur du lagon ! Nous avons mouillé dans 10m d’eau avec un peu de corail vers 15.756’ S / 147°55.336’ W.

    Enfin, nous avons mouillé vers 114.111’ S / 147°42.394’ W, derrière les motu Faama et Faatia, dans 7m sur du sable, pour découvrir le décor étonnant de l’Île aux Récifs. Ça vaut vraiment le coup d’œil et c’est un peu le seul endroit convenable où on peut s’abriter à Rangiroa en cas de mara’amu.

2 commentaires

  1. Magnifiques reportage avec des renseignements très précieux. Cela donne envie de partir…

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