Nuit mouvementée pour arriver à Grenade depuis Tobago
Nous sommes partis du mouillage de Store Bay à Tobago quelques jours avant le Nouvel An, en vue d’une navigation de nuit pour rallier l’île de Grenade. Environ 80 milles nous attendaient. Les conditions se sont révélées plus fortes que prévues pour arriver seulement au petit matin. Au lieu des 20 nœuds annoncés, nous avions bien 25 nœuds établis avec des rafales à 30. Le vent était de travers, ça c’était bien prévu. Mais je ne suis pas encore bien habituée à cette allure, le bateau se fait rouler alors par la houle venant sur le côté. Et ce n’est pas très agréable… Ajouté à ça le vent qui soufflait plutôt fort, trop en tout cas pour que nous arrivions avant le lever du soleil ! Notre vitesse sur fond était d’environ 8 nœuds ! Damien a préféré prendre deux ris dans la grand-voile et enrouler un peu le génois, plus pour nous faire ralentir que parce qu’il avait peur des conditions. Lui, ça ne l’impressionnait pas plus que ça…
On a croisé pas mal de bateaux durant la nuit, dont des voiliers qui faisaient route comme nous vers le sud de Grenade. Il fallait vraiment surveiller, même si nous avons notre alarme AIS. Mais nous n’avons que le récepteur, les autres bateaux, eux, ne nous voient pas (enfin seulement nos feux de navigation). Damien nous a finalement mis à la cape en fin de nuit, le temps de dériver lentement devant la baie de Prickly Bay, pour éviter une entrée avant le lever du jour dans ce mouillage que nous ne connaissions pas.
Dès que les rayons du soleil sont apparus derrière les nuages, nous allumons le moteur pour aller nous ancrer dans la baie. Quelle surprise quand on s’aperçoit alors qu’il y a environ 200 bateaux mouillés (si ce n’est plus)! Bon, ok, c’est sans doute la baie la plus connue de Grenade (bien que sans doute pas la plus jolie) mais quand même, je pensais que l’île était encore un peu éloignée des routes touristiques… Espérons que c’est la période des fêtes de fin d’année qui veut ça et que nous serons plus tranquille par la suite ! Nous nous trouvons une petite place au milieu de cette armada de voiliers, pas trop loin de la terre non plus, pour aller au plus vite remplir nos formalités d’entrée.
Nous étions venus ici pour fêter le Nouvel An, une fois chose faite, nos missions sont de profiter de l’île évidemment mais aussi de faire le maximum de travaux sur le bateau (et donc le maximum d’achats techniques). Pour visiter l’île, cette fois-ci, nous optons pour une formule simple et pratique, un peu plus onéreuse que par soi-même certes (mais on ne s’est pas fait beaucoup de cadeaux de Noël alors:)) : un tour de Grenade en mini-bus avec un guide.
Henry’s Safari Tours
Nous réservons par mail et c’est confirmé pour le 2 janvier. Une bonne façon de commencer l’année ! La journée s’annonce magnifique. RDV à Pricky Bay Marina pour rejoindre notre guide. On est impatient de découvrir toutes les richesses de l’île de Grenade !
Le guide, du nom de Dexter, arrive en mini-bus (bon, ok, on pensait que ce serait en jeep mais pas grave, c’est déjà pas mal). Son anglais est très compréhensible et il est vraiment très sympathique, ce sera un plaisir d’écouter ses explications lors de notre petit voyage.
Une fois tout le monde récupéré à bord (on sera une petite dizaine de touristes à la fin), nous partons pour faire le tour de l’île en voiture. Des stops nous permettront de prendre des photos, de voir les lieux les plus connus de Grenade ou d’autres plus insolites, de visiter des « factory » de produits locaux, etc. Le lunch est également prévu dans le tour. Dexter parle sans cesse pour présenter tout ce qu’on voit tout au long du trajet, villes, maisons typiques ou célèbres, plages, fleurs, fruits, plantations, etc. Il connaît vraiment tout ! Sans oublier bien sûr ses longues et intéressantes explications sur l’histoire de son île, de sa découverte aux jours récents, et sur ses coutumes.
On aura payé 200EC$ par personne pour la version Full Island day tour, car nous étions + de 7 au total dans le mini-bus. Le prix est en effet dégressif plus on est nombreux. Le tour dure environ 7h, avec une pause déjeuner. Tout est compris dans le prix, déjeuner, entrées des fabriques, taxes des lieux visités. On vous décrit ci-dessous le déroulement du tour !
Côte ouest de Grenade : cascade et « nutmeg »
On commence par le sud-ouest et on prend la route de la côte pour remonter vers le nord. Notre expédition passe aux abords de la plage de Grand Anse, d’après Dexter l’une des plus belles du monde. Un peu trop touristique à notre goût… On arrive ensuite au-dessus de la ville de Saint-Georges pour avoir une belle vue sur la capitale de Grenade (que nous visiterons le lendemain à pied).
Dans la baie de Dragon Bay plus au nord, Dexter nous indique un lieu sous l’eau où des statues peuvent être observer en snorkelling. On espère y passer en bateau pour mouiller quelques heures et profiter du spectacle ! Après Halifax Harbour, on bifurque dans les terres pour un stop devant une belle cascade, Concord Falls.
Le cadre est joli mais évidemment, il ne faut pas ciller devant la horde de mini-bus et de cars qui se bousculent ici… Quelques boutiques de souvenirs bordent la petite route et Dexter en profite pour nous expliquer ce qu’est la « nutmeg », l’emblème de l’île (on peut la voir sur le drapeau national). En fait, ce fruit (qui ressemble à un abricot jaune) correspond tout simplement à la muscade ! Ils en cultivent abondamment et l’exportent à l’international. Ils exploitent toutes les formes du fruit, nous, nous connaissons surtout l’épice en poudre, voire la noix que l’on peut râper. Mais en fait, tout est utilisable ! L’enveloppe jaune (une fois sucrée) est transformée en sirop ou des confiture. La membrane autour du noyau est séchée puis utilisée dans certains plats comme épice. Le noyau lui permet d’obtenir la noix de muscade telle qu’on la connaît.
On en saura plus grâce à notre visite de la Nutmeg Factory, à Gouyave, stop suivant après la cascade. Le noyau y est séché pendant deux mois avant d’être exporté à l’étranger. Une fois séché, on casse la coque et on peut utiliser la noix à l’intérieur qui donne la fameuse épice:) La coque, elle, n’est pas mangée mais peut servir pour réaliser par exemple de beaux parterres aux abords des sentiers ou dans les jardins.
Stockage des noix de muscade avant envoi à l’étranger.
Nord de l’île : chocolat, lunch et vue sur les Grenadines
Après la muscade, direction le chocolat ! L’arrêt que j’attendais le plus évidemment : la visite de la Chocolate Factory Jouvay. Grenade et ses latitudes sont propices à la culture du cacao, une aubaine pour la gourmande que je suis ! L’odeur est prenante en arrivant dans la petite fabrique, une odeur aigre de fermentation avec un arrière-goût de chocolat amer. Une guide sur place nous explique les différentes étapes pour obtenir les tablettes si délicieuses. Damien et moi, on avait déjà goûté aux fèves crues, directement issues de la cabosse. En fait, on suce la graine (le goût est surprenant mais plutôt sympa) et on la recrache ensuite, l’intérieur étant beaucoup trop amer. Pour en faire du chocolat, les fèves sont d’abord fermentées, puis triées et séchées au soleil. On a pu goûté l’intérieur une fois ces étapes terminées, c’est toujours amer mais on reconnaît le chocolat très fort.
Ensuite, il y a tout un processus de torréfaction, avec d’autres étapes dont bien sûr l’ajout des deux ingrédients principaux : le beurre de cacao (lui-aussi issu de la fève) et le sucre, en pourcentage plus ou moins élevé.
Note : à savoir, le chocolat blanc n’est pas du vrai chocolat ! En fait, il s’agit de beurre de cacao mixé avec du lait, de la vanille, du sucre et de la lécithine de soja.
La visite se termine par le moment crucial : la dégustation:) Ô joie, cela faisait plusieurs semaines que je n’avais pas regoûté à des morceaux de vrai tablette de chocolat ! Désolé pour les Américains, mais pour moi, les Hershey, Reeses et autres marques similaires hyper sucrées qu’on peut trouver par ici ne peuvent pas remplacer une bonne vieille tablette de chocolat noir.
Avec un sourire grand jusqu’aux oreilles, on peut goûter les différents types de chocolat proposé par la fabrique : de 60 % à 100 %. Un vrai régal ! On ne peut pas s’empêcher d’en acheter quelques tablettes, au final, ça ne revient même pas bien cher !
Dans ces tablettes, les ingrédients sont des fèves de cacao, du beurre de cacao et du sucre de canne. Et c’est tout ! Aucun conservateur, aucun ajout d’aucune sorte, c’est vraiment super bon ! On testera plus tard sinon la confiture de muscade et les épices locales. Pas étonnant que Grenade soit surnommée « the Spice Island »!
Après cette mise en appétit, il est temps pour notre petit groupe de se stopper pour déjeuner. Nous avons droit à un buffet de mets locaux (poulet en sauce, bananes plantains, riz aux légumes…) dans un joli petit restaurant en bord de mer. Ce sera vraiment très bon ! Puis, la visite continue vers le nord où une jolie baie nous permet d’apercevoir quelques îles voisines, dont au loin Carriacou. On apprend (on confondait depuis le début) que l’archipel des Grenadines va en fait de Saint Vincent au nord jusqu’à Grenade au sud. Mais il est divisé en deux nations indépendantes. Au sud, Grenade, qui comprend les îles de Grenade, Carriacou et Petite Martinique (et les petits îlots entre les trois). Après, vers le nord, c’est Saint Vincent et toutes les autres îles, plus connus comme « Saint Vincent et les Grenadines » pour raccourcir.
Nord-est de Grenade : océan Atlantique et dégustation de rhum
Nous passons sur la côte est et on voit de suite la différence. Les vagues sont plus agitées, le vent souffle et on ne lorgne plus les baies comme de possibles mouillages. On est bien du côté de l’océan Atlantique, beaucoup plus tourmenté que la mer des Caraïbes à l’ouest.
Notre prochaine visite agira sur nous comme un digestif après notre copieux déjeuner. On arrive en effet devant une distillerie de rhum:) Il s’agit d’un rhum local, Rivers Antoine Rum, qui n’est pas exporté en dehors de Grenade. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il est trop fort, seulement produit à 69° !
Mais la visite se révélera néanmoins très intéressante, car la fabrique utilise les mêmes procédés artisanaux qu’autrefois. Rien n’a changé depuis sa création ! Un moulin utilise l’eau de la rivière (d’où le nom du rhum) pour broyer la canne à sucre et en extraire le jus. Les résidus sont brûlés pour chauffer le jus et le rendre concentré. Tout se fait encore à la main, c’est très impressionnant ! Là encore, les odeurs sont fortes dans la bâtisse mais pas désagréables. Par contre, quelle chaleur avec tous ces fours !
Le jus concentré est mis à fermenter pendant huit jours et est ensuite distillé plusieurs fois, pour obtenir le précieux liquide blanc si fort. On ne ramènera pas de souvenir cette fois-ci, c’est quasiment imbuvable pour nous !
Distillation du jus fermenté de canne à sucre.
Centre de l’île et fin du tour par la rainforest
Après avoir traversé la ville de Grenville sur la côte est (et croisé tout un tas d’écoliers et d’écolières en uniformes dans les rues), notre guide termine la balade par le centre de Grenade et ses routes sinueuses à travers la « rainforest ». Un dernier stop au Grand Etang Lake est prévu, où il nous promet d’apercevoir… des singes ! Et nous aurons de la chance ! A peine arrivés près du lac, il arrête le mini-bus sur le bas-côté et nous nous précipitons hors de la voiture. Avec joie et étonnement, on aperçoit en effet quelques singes dans les arbres alentours ! Malgré la banane que Dexter leur tend (donnée par un agent forestier quelques mètres plus tôt), ils ne semblent pas intéressés, sans doute déjà repus. Mais ça ne nous empêche pas de les mitrailler !
Notre balade touche à sa fin et c’est avec plein de souvenirs dans la tête et une connaissance accrue sur cette belle île que Dexter nous ramène à notre point de départ. On recommande chaudement ce tour de l’île, très pratique quand on n’a pas le temps ou le courage de louer une voiture pour le faire par soi-même.